
Les métiers liés au numérique sont-ils « genrés » ?
On observe un net recul de la proportion de femmes dans les métiers liés au numérique, malgré l’expansion de nouvelles professions associées au multimédia et à internet, que l’on croyait davantage ouvertes aux femmes. En effet, les métiers liés aux technologies de l’information et de la communication sont fortement « genrés » : alors que la proportion d’étudiantes est en augmentation constante dans certains bastions masculins, comme chez les ingénieurs, elle est en net recul dans les études supérieures en informatique. En France, dans la seconde moitié des années 1980, les étudiantes représentaient plus de 20% des diplômés en informatique des grandes écoles d’ingénieurs, contre 11% aujourd’hui. Sur le plan des emplois, la féminisation des métiers des Tic stagne depuis plusieurs années, malgré l’expansion de nouvelles professions liées au multimédia et à internet, que l’on croyait davantage ouvertes aux femmes ; celles-ci sont confrontées à un puissant plafond de verre et au phénomène du « tuyau percé » (soit les abandons ou les changements d’orientation). Si l’enjeu est social, il est également économique. La Commission européenne estime qu’une situation de parité pourrait engendrer un gain d’environ 9 milliards d’euros par pour le PIB européen.
La primauté de l’image du « hacker »
Selon le projet de recherche Européen WWW-ICT (Widening Women’s Work in Information and Communication Technology), quatre tendances explicatives à cette désertion féminine des métiers liés au numérique se détachent : les déséquilibres dans l'éducation et la formation, des conditions de travail qui défavorisent les femmes, des carrières professionnelles qui favorisent les hommes et des facteurs culturels qui renforcent l'image masculine du numérique.
Dans L’informatique a-t-elle un sexe ? la sociologue Isabelle Collet évoque le changement de représentation des métiers de l’informatique qui s’est produit au début des années 1990. C’est alors que s’est façonnée l’image du “hacker” : un homme, jeune, passionné de technologie, de programmation et de jeux, développant un sentiment de domination de la machine. « Avec la généralisation du micro-ordinateur, le modèle du hacker, culturellement familier aux garçons, possiblement désirable, activant les fantasmes de pouvoir dans lesquels les garçons sont éduqués, est devenu hostile aux filles » souligne-t-elle. Cette représentation de l’informaticien, quoique déconnectée des réalités du numérique, pèse donc sur les femmes qui peinent à se faire une place dans ces métiers.
Un métier masculin, l’informatique ? En Malaisie, l’affirmation étonne. Isabelle Collet explique qu’en 2010, à la faculté d’informatique et des technologies de l’information de Kuala Lumpur, la capitale, tous les responsables de département sont des femmes, ainsi que la doyenne. À Penang, il y a 65% d’étudiantes en informatique, et sept de leurs professeurs (sur dix) sont des femmes, qu’encadre là aussi une doyenne. Ainsi, dans certains pays émergents d’Asie du Sud-Est (Corée, Singapour, Malaisie), il y a autant de femmes que d’hommes parmi les informaticiens.
Les sources de cet article
TIC et genre : des regards multiples
par Patricia Vendramin URL Tic&société Vol. 5, n° 1 - 2011 : TIC et genreEffet de genre : le paradoxe des études d’informatique
par Isabelle Collet URL Tic&société - Vol. 5, n° 1 - 2011 : TIC et genreL’informatique a-t-elle un sexe ?
par Isabelle ColletL'informatique a-t-elle un sexe ?: Hackers, mythes et réalités
LIVRE L'informatique a-t-elle un sexe ? - L'Harmattan
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